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Les diélectriques, et plus particulièrement les polymères, sont fréquemment utilisés à bord des satellites pour leurs bonnes propriétés physiques, optiques et mécaniques. Ces matériaux, tels que le Téflon® FEP ou le Kapton® HN, sont soumis à d’importants flux radiatifs, d’électrons et de protons, aux énergies variées. Ces particules s’implantent dans les matériaux et génèrent des potentiels électriques élevés. Les électrons de haute énergie participent à l’ionisation du matériau, à la modification de sa conductivité électrique et de l’écoulement des charges dans le matériau. On parle de conductivité induite sous irradiation (RIC en anglais : Radiation Induced Conductivity). De par leurs différences de propriétés électriques, le transport de charges change d’un matériau à l’autre. Cela conduit à de fortes différences de potentiel entre matériaux (diélectrique-métal), ce qui peut générer des arcs électriques et des décharges électrostatiques. Ces décharges sont potentiellement dangereuses et peuvent détruire certains sous-systèmes embarqués dans les satellites ou générer des perturbations sur l’électronique du satellite.
Une bonne maitrise de ces risques passe par une bonne prédiction du comportement en charge des polymères sous irradiation spatiale. Ceci nécessite de comprendre, d’un point de vue microscopique, les interactions particules chargées – polymères (dépôt d’énergie, ionisation…) et les processus de transport de charges (piégeage, dé-piégeage, convection, recombinaison…). Ces phénomènes dépendent des propriétés électriques du matériau, de la température et du champ électrique. Ils régulent la conductivité du matériau et ses niveaux de potentiels. Un modèle physique et numérique 1D, nommé THEMIS (Transport of Holes and Electrons Model under Irradiation in Space), a été développé lors de travail de doctorat. Il décrit ces différents mécanismes, évalue le transport de charges et les niveaux de potentiel dans les matériaux diélectriques, irradiés par des spectres distribués en énergie. Contrairement au modèle RC développé au cours d’une thèse précédente, THEMIS prend en compte les profils de distribution de charges implantées et de dépôt de dose dans la profondeur du matériau. Il considère la diffusion-conduction des charges dans le volume du matériau, étudie le déplacement du barycentre du plan de charges, et prend en compte l’historique radiatif du matériau en calculant les densités de charges positives et négatives.
THEMIS a été validé lors d’expériences dédiées à l’étude des effets de la charge de surface et de la charge interne sur les satellites. Les enceintes SIRENE et GEODUR, installées au sein du département DPHY (Département Physique) à l’ONERA, et financées par le CNES, ont été utilisées pour réaliser ces irradiations. Lors d’une première série d’expériences, la conductivité, les densités de charges et les niveaux de potentiels ont été mesurés et comparés à THEMIS pour différents matériaux. THEMIS a également été comparé à d’autres outils numériques utilisés dans la communauté spatiale, comme DICTAT, NUMIT et MCICT. Ces outils utilisent un modèle du calcul de RIC plus simple que THEMIS. Ils permettent, pour des cas d’irradiation où les énergies et les flux sont constants dans le temps, de reproduire les données expérimentales. Contrairement à THEMIS, ils ne peuvent pas représenter la physique du transport de charges pour des cas plus compliqués : flux variables dans le temps. Pour montrer cela, une étape de validation plus poussée consiste à simuler le cas réaliste d’un satellite en vol, lors d’une mise en orbite, avec un agencement de plusieurs matériaux, soumis à des spectres changeants dans le temps. Les niveaux de potentiels des matériaux sont simulés par THEMIS et les risques de déclenchement de décharges étudiés.